Le Blog d’UniDistance

E-learning & formation : Ressources, conseils et projets inspirants

> Retour à la page précédente

Pourquoi protéger vos données si vous n'avez rien à cacher ?

Stéphane Droxler
Ecrit par Stéphane Droxler

Il existe un sentiment, malheureusement assez répandu, que nos informations personnelles ne sont pas importantes, qu'elles n'ont pas de valeur et que leur exploitation ne représente aucune menace pour notre sphère privée.

Ce d'autant plus que des lois sont censées régler leur utilisation.

Il est donc a priori facile, voire tentant, de conclure que mes données, à l'échelle individuelle, n'ont que peu d'intérêt.

  • Ce que je fais de mes journées, avec qui et où, combien de temps je passe sur les écrans 
  • Mon historique de recherches sur internet, mes achats en ligne et les moyens de paiement que j’utilise,
  • Les articles que je lis ou les gens que je suis sur les réseaux sociaux,

 

Toutes ces informations disséminées au gré de ma vie numérique paraissent anodines.

Et quand bien même, si leur traitement par des publicitaires devait permettre de me proposer des produits en phase avec mes besoins, alors pourquoi pas...

Si leur collecte par des autorités permet de renforcer la sécurité et lutter contre le terrorisme, alors c'est tant mieux !

De toute manière, en tant que bon citoyen je n'ai rien à me reprocher, donc rien à cacher !


Vraiment rien à cacher ?

Ce raisonnement est toutefois bien trop simpliste de nos jours.

Je ne vais pas ici développer les arguments maintes fois entendus sur les méchant-e-s hackers et hackeuses auteur-trice-s de cyberattaques impliquant des données personnelles.

Cela existe, c'est un fait et les dommages pour les personnes concernées sont bien réels.

Tout comme les crimes et délits "traditionnels" existent depuis que l'être humain peuple cette planète...

Il faut certes les combattre, mais leur totale éradication n'est tout simplement pas réaliste.

 

J'aimerais aborder un mal plus sournois que seul le développement phénoménal de l'intelligence artificielle rend possible :

 

Celui de l'exploitation par des algorithmes des milliards de données que nous créons chaque jour.

En d'autres termes, ce qui se passe derrière nos écrans à chacune de nos interactions avec nos outils numériques préférés.

 

Comment des robots (puisque ce ne sont à l'évidence pas des humains qui en seraient capables) parviennent à corréler toutes ces informations pour les rendre extrêmement précieuses et utiles à une toute petite minorité de la population.

Une minorité composée de personnes déjà multi milliardaires ou d'autocrates dont la soif de pouvoir est inversement proportionnelle à leur sens de l'éthique.

 

Prétendre que vous ne vous souciez pas de protéger votre vie privée parce que vous n'avez rien à cacher revient à dire que vous ne vous souciez pas de la liberté d'expression parce que vous n'avez rien à dire.

 

Cette citation de Edward Snowden, ex-agent des services de renseignement américains et aujourd'hui en exil pour avoir révélé les violations de ses anciens employeurs en matière de respect des droits humains, est à mes yeux très inspirante.

C'est en fait un appel à la réflexion personnelle sur un droit fondamental pour lequel des générations précédentes se sont battues, souvent jusqu'au sacrifice ultime.

Je veux parler du droit au respect de la sphère privée, inscrit à l'article 12 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme: 

 

Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

 

La technologie actuelle rend possible des traitements de données qui nécessitaient hier des efforts colossaux.

Par exemple, le simple fait de se trouver aujourd'hui à un certain endroit et à un certain moment avec des personnes dont les actes auront demain des conséquences tragiques peut avoir des impacts sur nos propres vies.

Nos traces numériques sont exploitables par des ordinateurs capables de retrouver et traiter cette information.

Tout comme l'appartenance à un groupe dont les orientations sont divergentes par rapport à une "norme" peut faire de nous la cible d'une autorité dont l'agenda s'écarte de nos croyances ou intérêt personnels.

Nul ne peut en effet connaitre l'interprétation qui sera faite demain de nos actes ou publications d'aujourd'hui.

C'est la raison pour laquelle le droit au respect de notre sphère privée est intiment lié à notre capacité à nous former librement une opinion, à rechercher des informations sur des sujets ou avis a priori contraires à nos valeurs, à participer à des échanges d'idées avec des gens dont les valeurs sont différentes ou tout simplement à vouloir garder pour soi des informations personnelles.

Non pas qu’elles soient honteuses ou néfastes pour autrui, mais simplement parce que nous n'avons aucun intérêt à les partager ou parce qu'il s'agit d'opinions non encore abouties.

Cette réflexion devient tout simplement impossible si notre comportement en ligne est systématiquement analysé et influencé par des algorithmes programmés pour nous rendre addicts à du contenu de propagande politique ou dont les profits ne servent qu'au bénéfice d'entreprises commerciales.

 

Nous sommes devenus le produit

Ne soyons pas dupes.

L'argument utilisé pour nous inciter à partager nos informations et à accepter des traceurs d'activité sur nos appareils est toujours le même :

 

"…vous proposer des publicités plus pertinentes et nous aider à améliorer la qualité de nos services".

 

Dans les faits, ces techniques de profilage ciblé ont pour seul but de trouver le prix optimal auquel la transaction doit se faire.

Analyser la fréquence de nos requêtes pour tel ou tel produit, estimer notre capacité financière en fonction de notre localisation et de notre historique d'achats, créer un sentiment d'urgence en indiquant qu'il ne reste plus que trois places disponibles sur un vol ou un seul article en stock...

Toutes ces techniques basées sur de l'intelligence artificielle profitent non pas à l'acheteur ou l’acheteuse, mais bien à celui qui détient l'algorithme, c'est à dire l'intermédiaire (Google, Amazon, Facebook, Apple, etc.) qui met en relation le client ou la cliente et le commerçant ou la commerçante et sait se faire grassement payer pour sa prestation.

Deviens expert en protection des données grâce à une formation continue

 

L'endoctrinement des réseaux sociaux

Imaginez un dictionnaire dont les définitions seraient différentes pour chaque lecteur, car celles-ci varieraient en fonction d'un agenda inconnu ou d'intérêts purement financiers.

Plus personne n'aurait la même compréhension d'un même mot.

Cette métaphore illustre tout le problème des réseaux sociaux actuels.

Le contenu qui défile sur nos écrans est différent pour chacun d'entre nous.

Il est défini par nos préférences, le temps que nous passons sur chaque image, nos commentaires ou réactions à des sollicitations orientées par des acteurs dont le modèle d'affaires nous échappe totalement.

Cela créé inévitablement une distorsion de la réalité car nous ne voyons plus que ce que l'on veut bien nous montrer.

Non seulement cela ouvre la porte au phénomène des "fake news" dont les conséquences menacent jusqu'à l'existence même de nos démocraties, mais cela agit aussi sur notre libre arbitre, c'est à dire notre capacité à nous former une opinion basée sur des choix volontaires et personnels.

Les applications de nos téléphones portables sont conçues pour que nous passions un maximum de temps accroché-e-s à nos appareils.

Il y a toujours quelque chose à lire, voir, aimer. Une vidéo s'achève, la suivante se lance automatiquement sur la base de nos soi-disant "préférences".

Même la barre de nos moteurs de recherche nous "suggère" des fins de requêtes basées sur notre profil d'utilisateur ou d’utilisatrice, notre localisation ou notre historique de navigation.

Toutes ces fonctionnalités n'ont pas pour objectif de nous faciliter la vie, ni nous faire gagner du temps.

Bien au contraire !

Elles sont pensées pour que nous restions en ligne le plus longtemps possible.

Nous sommes devenu-e-s le produit, attirés par l'illusion de la gratuité des services offerts par ces applications si addictives.

 

Seules deux industries appellent leurs clients des "utilisateur-trice-s", celle de la drogue et celle du logiciel.

Edward Tufte

 

 

 

Comment réagir ?

Cet article n'a pas pour ambition de vous faire désactiver votre compte Facebook (quoique... ce serait bien quand même !).

S'il devait toutefois vous permettre de prendre conscience de l'ampleur du problème et vous inciter à l'action, alors voici quelques pistes concrètes :

blog_verbergen_fr_02 (1)

 

1. Désactivez toutes les notifications automatiques

 

Reprenez le contrôle de votre temps et utilisez votre smartphone au lieu qu'il ne vous utilise.

En limitant les notifications aux seules pastilles des icônes de vos applications de messagerie (mail, sms, chat, téléphone), vous minimisez les interruptions à celles qui sont créées par des humains, et écartez ainsi celles provenant de robots.

 

2. Limitez vos traces

 

En utilisant des navigateurs respectueux de la vie privée et en suivant ces conseils

 

3. Préservez vos enfants des réseaux sociaux

Si, en tant qu'adultes, nous éprouvons de la difficulté à résister aux sollicitations et à maîtriser notre consommation digitale, c'est encore plus compliqué, voire dangereux pour nos enfants et adolescent-e-s.

Ce n'est pas pour rien que les designers de la Tech interdisent l'accès à leurs produits à leurs enfants...Quant à vous, s'il vous est trop pénible de quitter vos réseaux sociaux favoris, commencez par supprimer leurs applications de votre smartphone pour ne garder qu'un accès via la connexion internet de votre ordinateur.

L'effet sur votre temps d'écran devrait être significatif.

 

4. Faites preuve d'esprit critique

Ne partagez pas une information dont vous ne connaissez pas la source ou ne pouvez la vérifier. Choisissez votre contenu, ne laissez pas les algorithmes vous dicter ce que vous devez voir ou lire.

Les technologies numériques ont permis de réaliser de grandes choses, telles que

  • sauver des vies
  • réunir des familles
  • partager le savoir et les connaissances
  • créer de nouvelles entreprises

Mais comme nous l'avons vu, il y a un revers à cette belle médaille. Ne laissons pas son côté sombre surpasser ses avantages.

Prenons acte du problème et adaptons nos habitudes pour que l'humain-e reste au centre.

Sois vigilant et informe-toi sur tes droits en suivant une formation continue en protection des données à UniDistance Suisse! 

 

 

Thèmes : Protection des donnees