Avez-vous déjà pressenti que la prochaine décision qu'alliez prendre durant un jeu de société risquait de briser une amitié ?
Mensonge, trahison, bluff, stratégie, manipulation, perte, victoire : parfois, une simple soirée de jeu entre ami-e-s peut mettre vos émotions et vos relations avec les autres à rude épreuve.
Le jeu de société : un terrain propice pour défier vos compétences émotionnelles
Les règles et la mécanique du jeu peuvent vous imposer des comportements qui feront fluctuer l’intensité de vos émotions, ainsi que leur valence (par exemple, passer de l’amusement à la colère).
En même temps, le jeu crée de nombreuses opportunités permettant d’exercer vos compétences émotionnelles.
Lorsque vous attendez votre tour, vous devez inhiber votre comportement, donc réguler vos émotions.
Imaginez-vous que vous êtes à un cheveu de gagner et que vous vous préparez mentalement à la prochaine action : le suspense est à son comble.
Vous anticipez votre victoire et ressentez beaucoup d’excitation.
D’un autre côté, vous pouvez aussi ressentir de la frustration car l’action que vient de faire de votre adversaire peut s’avérer rédhibitoire et vous arracher la victoire.
En même temps, vous devez cacher vos émotions (suppression de toute expression) ou en simuler une autre afin de ne pas dévoiler votre stratégie.
Enfin, vous observez constamment vos adversaires, consciemment ou inconsciemment : en plus de leur comportement et de leurs actions, vous essayez de reconnaître leurs émotions pour mieux deviner leurs intentions.
Adversaire ou ami-e ?
Lorsque vous jouez, vous pouvez être traversé-e par tout un kaléïdoscope d’émotions qui pimentent ainsi la partie.
Vous serez peut-être obligé-e d’entraver les actions des autres pour prendre l’avantage, ou alors décider d’être « gentil-le », voire « agressif-ve ».
Votre conscience émotionnelle vous permet de différencier les émotions et de comprendre que des émotions agréables (plaisir, amusement) et désagréables (frustration, jalousie) peuvent émerger simultanément.
Par exemple, lorsque votre ami-e gagne, vous pouvez ressentir à la fois de l’admiration et de la jalousie. Avec ce mélange d’émotions, féliciter le/la gagnant-e peut sembler contradictoire.
Distinguer l’adversaire du ou de la meilleur-e ami-e, tout en faisant la part des choses entre le jeu et la vraie vie ne tient parfois qu’à un fil.
Afin de mieux accepter la « trahison » de votre ami-e, vous devriez réussir à penser différemment et réinterpréter son action : « Mon ami-e agit dans le cadre d’un espace fictif et en fonction de sa mission ou de son identité secrète ».
Dans le cadre du jeu, (presque) tout est permis !
Mauvais-e perdant-e ou mauvais-e gagnant-e ?
Que vous gagniez ou perdiez, vous pouvez expérimenter des tendances contradictoires dans l’expression de vos émotions :
Jusqu’à quel point vous laisserez-vous emporter par vos émotions et à quelle intensité les exprimerez-vous ?
Pour répondre à cette question, il faudrait tenir compte du risque de gâcher l’amusement et le plaisir de jouer.Les relations avec les autres peuvent être impactées négativement si vous exprimez une frustration excessive en jetant les cartes ou le plateau, mais aussi lorsque vous exagérez votre fierté en rendant les autres jaloux/ses de votre réussite.
Il s’avère essentiel de comprendre les émotions des autres sans se sentir attaqué-e par leur manière de les exprimer : accepter leur défaite si vous gagnez mais aussi votre propre déception si vous perdez.
En tant que joueur/se, vous allez souvent essayer de réguler vos émotions et trouver une manière adéquate de les communiquer, afin de maintenir de bonnes relations sociales et… de pouvoir jouer encore !
Petite astuce : lorsque des émotions désagréables commencent à vous envahir, l’humour bienveillant est toujours une bonne distraction. Pensez différemment et faites revenir les émotions agréables : la soirée est sauvée !
Les émotions dans le jeu : sont-elles
« vraies » ?
Certain-e-s philosophes et chercheurs/ses suggèrent que les émotions vécues lors d’activités fictives ne sont pas les mêmes que celles ressenties dans la réalité.
Si on considère le jeu comme une activité fictive, on pourrait se douter que les émotions alors ressenties sont différentes des émotions dans la réalité.
En suivant ce point de vue, les émotions ressenties pendant un jeu de société peuvent être considérées comme étant des « quasi-émotions », car elles sont liées à des situations non-sérieuses et à du « faire semblant ».
Toutefois, les émotions ressenties lors d’un jeu de société peuvent entraîner des répercussions dans la vie réelle.
Par exemple, notre jugement sur le comportement de ses ami-e-s peut se prolonger dans les relations quotidiennes ; on peut aussi découvrir certains aspects de leur personnalité qu’on ne connaissait pas auparavant.
Ainsi, les émotions désagréables ressenties durant le jeu, telles que la frustration ou la jalousie, persistent même après avoir rangé ce dernier dans le placard.
Ce qui vous poussera à choisir attentivement vos invité-e-s pour la prochaine soirée-jeu !
Étudier et jouer à UniDistance Suisse
Dans cette vidéo, découvrez le projet de recherche sur le jeu et les émotions:
Dans le cadre du chEERS Lab d’UniDistance Suisse, nous étudions les liens entre les jeux de société créés par notre équipe et les compétences émotionnelles.
Des étudiant-e-s réalisant leur Master en psychologie ont eu l’occasion de contribuer de manière significative à ces projets, qui se sont déroulés dans des établissements scolaires.
Ces étudiant-e-s ont été formé-e-s à l’animation de jeu et à l’observation du comportement du/de la joueur/se.
Ensuite, ils/elles ont animé des ateliers de jeux avec des enfants et des adolescent-e-s et mené plusieurs sondages et tâches expérimentales auprès d’élèves.