Qui sont les citoyennes et citoyens renvoyé-e-s devant les tribunaux militaires ? Dans quelles situations ? Comment fonctionne la justice militaire ? Tour d’horizon.
La justice militaire, telle qu’elle est organisée aujourd’hui, existe depuis 1838 et la création d’un État-major judiciaire dirigé par l’auditeur en chef (le chef de la justice militaire).
Véritable institution, elle reste encore largement méconnue du grand public et des spécialistes du droit n’y œuvrant pas.
Près de 2000 procédures pénales sont pourtant instruites annuellement par les instances militaires. Les citoyens et citoyennes suisses peuvent y être soumis-e-s même s’ils ou elles ne font pas partie de l’armée.
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Le droit de la guerre a été codifié dans de nombreux pays au cours du 19e siècle.
En Suisse, le Code pénal militaire (CPM) de 1837, entré en vigueur en 1838, est l’acte fondateur de la justice militaire moderne. Le code intégrait tout le droit pénal militaire : il définissait les infractions et les sanctions encourues, organisait la justice militaire et prévoyait quelques règles sur le déroulement de la procédure.
Le code intégrait également tout le droit disciplinaire, le but premier de la loi étant de maintenir la discipline sur les champs de bataille.
La justice militaire, institution traditionnelle s’il en est, continue d’exister dans de nombreux pays.
Elle doit cependant être conforme au droit international. Le système pénal militaire garantit les droits fondamentaux des personnes qui sont déférées devant la justice militaire.
Cette justice spéciale (et non « d’exception ») est maintenue pour deux raisons principales : répondre à des besoins liés à l’activité militaire, mais aussi à l'augmentation de la technicité et de la spécialisation dans les divers domaines de la défense.
Des personnes civiles, suisses ou étrangères, peuvent également y être aussi soumises.
La Procédure pénale militaire (PPM) helvétique toujours appliquée date de 1980.
Elle n’a pas été révisée complètement depuis, du fait qu’elle n’a pas été incluse dans les travaux d’unification des procédures pénales suisses, qui ont abouti à l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale (CPP) le 1er janvier 2011. Le législateur pensait réviser la procédure pénale militaire après l’entrée en vigueur du CPP, mais les travaux n’ont jamais été entamés.
Pour cette raison, de nombreuses lacunes et failles normatives existent encore dans les lois militaires.
Elles rendent pénible leur application et péjorent sans doute la compréhension des règles propres au régime militaire.
Les autorités pénales militaires recourent souvent à l’interprétation et à l’analogie pour s’assurer que les lois sont appliquées conformément à celles qui gouvernent le système pénal « civil ».
Des spécificités militaires existent et sont admises.
Comment fonctionne, concrètement, le système militaire helvétique ?
Il instaure des autorités de poursuite pénale (juges d’instruction et auditeurs) et des tribunaux permanents, itinérants et de milice.
Ces tribunaux sont dotés de juges spécialisés qui opèrent principalement au sein de la milice, en Suisse et à l’étranger.
La poursuite pénale est réglée selon le modèle du juge d’instruction (indépendant des parties et de l’accusation), qui était appliqué dans de nombreux cantons avant l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale suisse au 1er janvier 2011.
Sous réserve des mesures urgentes, une enquête n’est ouverte qu’à la requête du commandant de troupe compétent (pour les faits commis durant le service) ou de l’auditeur en chef (pour les faits commis en dehors du service).
Lorsqu’un ordre d’enquête est remis au magistrat, ce dernier n’a pas d’autre choix que d’ouvrir une procédure, la loi ne lui permettant pas de classer l’affaire ou de rendre une ordonnance de non-entrée en matière.
Le juge d’instruction dirige toutes les étapes de l’enquête, à charge et à décharge, sans immixtion de la hiérarchie militaire.
L’indépendance de la procédure est donc garantie. C’est une spécificité de la loi suisse, qui limite le rôle des commandants de troupe à la découverte et à la dénonciation des faits répréhensibles.
En temps de paix, ce sont principalement les membres de l’armée suisse qui sont renvoyés devant les instances militaires.
Les civils collaborant étroitement avec l’institution (employés, experts, etc.) ou participant à la commission d’un délit qui touche à un intérêt militaire peuvent également y être astreints.
En temps de guerre, le droit militaire est étendu à tous les civils, aux prisonniers de guerre, parlementaires, ennemis ou militaires étrangers ayant commis certaines infractions propres à cette période.
La réorganisation de la justice militaire (2018) et la réforme du droit des lésés (2019) ont assis l’indépendance structurelle des autorités de poursuite pénale et renforcé considérablement les droits des lésés et des proches des victimes au procès militaire.
Avant 2018, en effet, le système militaire ne prévoyait pas la constitution d’une partie plaignante.
Actuellement, près de 70% des procédures portent sur la violation du devoir de servir, tandis que 80 à 90% des infractions poursuivies concernent un intérêt militaire.
Mais le nombre de civils actifs au procès militaire (prévenus et défenseurs, et désormais parties plaignantes et conseils juridiques) s’accroît.
Des personnes civiles sont impliquées principalement dans les cas suivants :
Les militaires qui ne sont pas « prévenu » d’une infraction peuvent aussi se porter « partie plaignante » (au civil ou au pénal) s’ils ont été lésés par l’infraction commise. Tel est le cas lorsque des passagers militaires sont blessés ou tués lors d’un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par un militaire ou d’un exercice.
La loi militaire impose l’ouverture d’une enquête lors d’évènements graves ou impliquant des dommages importants. Les personnes lésées, civiles ou militaires, peuvent donc se voir accorder certains droits, même si aucune infraction n’a été commise. Il est alors essentiel que les personnes touchées comprennent les tenants et aboutissants de la justice militaire.
Peu connue du grand public et des spécialistes du droit, la justice militaire suisse est une institution indépendante de l’armée.
Les citoyens et citoyennes suisses peuvent y être soumis-e-s, même sans être affilié-e-s à l’armée. C’est le cas notamment lors d’accidents de la circulation impliquant des véhicules conduits par des militaires, ou lors d’altercations physiques ou des dommages à la propriété.
Chaque année, près de 2000 procédures pénales sont instruites par les instances militaires. Près de 70% des procédures portent sur la violation du devoir de servir, tandis que 80 à 90% des infractions poursuivies concernent un intérêt militaire.